vendredi 11 janvier 2013

Livre - Le chant des âmes de Frédérick Rapilly

Le chant des âmes
                                 de Frédérick Rapilly

Note : 4.25 / 5

Synopsis :
Le cadavre mutilé d’une jeune femme est découvert en Bretagne, dans la forêt de Brocéliande, quelques jours après la traditionnelle rave-party qui se tenait dans les environs. Les autorités soupçonnent un rituel païen ou satanique, et placent en garde à vue plusieurs suspects. 
Alors que les médias se déchaînent, un ex-grand reporter et une photographe mènent une contre-enquête. Rapidement, leur chasse au scoop se transforme en chasse à l’homme. Il apparaît que ce meurtre n’est pas isolé ; en Thaïlande, en Ukraine, aux Canaries, et en Australie, des jeunes femmes sont retrouvées mortes en marge d’évènements similaires. Notre duo de journalistes se lance alors sur les traces d’un tueur en série obsédé par la musique qui choisit ses proies dans la fièvre des festivals électro.

Critique :
On dit d'une œuvre réussie (que ce soit un film, un livre, de la musique, ...) qu'elle est capable de vous intéresser à n'importe quel sujet, même un auquel vous seriez de prime abord récalcitrant. Pour tout vous dire, le monde du journalisme ne me passionne pas vraiment et je n'apprécie pas tellement la musique électro. Et pourtant "Le chant des âmes" a réussi l'exploit de me captiver.
Un thriller qui se passe dans le milieu de la musique techno/électro me semblait peu attractif de prime abord. Pourtant il s'est avéré réellement original. L'enquête nous plonge dans l'univers très spécifique des DJ et des raves parties, et découvrir leurs codes et fonctionnements est très instructif.
C'est Marc, un ex grand reporter et Katie, une photographe, qui mènent l'enquête et nous font voyager aux quatre coins de la planète. L'un est brisé par la vie et s'interdit d'aimer, l'autre est une fonceuse et va prendre les choses en main. N'oublions pas Jillian, DJ en vogue et élément déclencheur. La course poursuite du techno killer par ces deux journalistes commence à Brocéliande pour se poursuivre entre autres en Thaïlande, en Ukraine, en Pologne ou encore à Bali. Le style est impeccable, l'intrigue est prenante et on ne s'ennuie pas une seconde. La musique techno est omniprésente et certaines pratiques underground font froid dans le dos si elles sont réelles. La motivation du serial Killer est effrayante et, malheureusement, crédible.
Le mystère de ce livre commence dès la première de couverture où sont disséminées des photos des auteurs des éditions Critic. Un clin d’œil qui, dès le début, amuse et intrigue. Ensuite, le récit commence et là quelque chose et certain, Frédérick Rapilly a un don pour transporter son lecteur dans l'histoire. Cela faisait longtemps que je n'avais pas eu cette sensation d'être attirée et fascinée. L'histoire est originale et bien documentée, on sent que l'auteur au demeurant DJ s'y connaît en musique.
Car si je vous dis que Frédérick Rapilly est à la fois grand reporter et DJ, serez-vous surpris ? Sans doute pas, c'est tout son savoir-faire et sa culture personnelle que l'auteur met en scène dans ce roman. Un livre très musical (on trouve en fin d'ouvrage de quoi se concocter une belle petite play-list, même lorsqu'on n'est pas un fan de techno...), qui nous fait entendre aussi de la pop, du rock, du classique. D'ailleurs, toutes les têtes de chapitres sont assurées, si on peut dire, par Nick Cave et les Bad Seeds, des textes extraits de l'album "Murder Ballads", ce qui vient accroître encore le côté sombre de ce "Chant des âmes".
La première partie du livre est assez lente, l'enquête de Marc et Katie piétine. Ils font chou blanc un peu partout, même s'ils ont une encolure d'avance sur la gendarmerie. Néanmoins cette partie permet de faire connaissance avec les personnages. En parallèle l'auteur aborde légèrement, par petite touche, l'enfance perturbée de celui dont on se doute qu'il est notre psychopathe.
Les personnages sont bien campés et pas clichés. A la fois attachant et mystérieux, le personnage principal, Marc Torkan, est à lui seul une énigme. Son accolyte Katie incarne une photographe noire américaine atypique et qui complète le caractère du personnage principal.
Marc a un passé chargé lui aussi, il a souffert, a voulu se couper de tout. Mais la fibre journalistique reprend le dessus, et c'est l'infernale marche en avant pour LE scoop. Le duo qu'il forme avec Katie, une photographe d'art à la base, qui se trouve embarquée dans ce fait-divers sans avoir eu le temps de dire ouf, est vraiment efficace. Elle a un fichu caractère, ne s'en laisse pas conter et, surtout, réussie à imposer ses idées, c'est assez rafraîchissant !
Puis vient la deuxième partie et quelle claque ! On se fait embringuer par la construction des chapitres judicieusement emmêlés dans le temps, dans les lieux, passant d'un personnage à l'autre. Les paragraphes sont tronçonnés et présentés comme un script : lieu de l'action, date, heure. Le style devient de plus en plus percutant. L'intrigue s'intensifie, l'enquête nous embarque aux quatre coins de la planète, et on ne peut plus lâcher le livre. C'est prodigieusement bon. Quant à la fin, elle serait décevante s'il n'y avait cet incroyable épilogue ! 
Connaissant lui-même bien le milieu techno, Rapilly nous en propose un portrait certes sans concession, mais qui évite aussi les clichés qui sont souvent véhiculées sur cette musique et ces festivals, souvent organisés dans la clandestinité, voire l'illégalité. Autrement dit, on ne nie pas la présence de drogues ou d'évènements un peu glauques souvent inhérents aux grands rassemblements humains, mais on s'attache aussi à mieux faire comprendre la créativité des artistes technos (parfois hard-core, certes) ainsi que la si étrange et si contagieuse attraction que peut avoir cette musique, cette rythmique, plutôt.
Le rythme lui aussi est assez musical, avec des mouvements rapides et des mouvements lents, mais on est plus dans un roman noir que véritablement dans un thriller à l'américaine. C'est une enquête minutieuse, hors des sentiers battus, plus qu'une course-poursuite dératée, que nous propose Rapilly, avec une touche d'exotisme, même si les touristes que l'on croise ne vont guère découvrir les cultures locales.
Le style de l'auteur est particulier. Pas dans le sens spécial mais plutôt spécifique. On sent la pâte de l'auteur qui s'est attaché à décrire et à travailler son texte. Il dissémine intelligemment dans le texte des indices sur le dénouement mais également sur le tueur qui se découvre petit à petit dans certains chapitres et que le lecteur peut s'amuser à débusquer.
Dans son thriller, Rapilly campe une intrigue réaliste et rondement menée, il respecte les codes du thriller et les casse aussi par moments, le tout avec beaucoup de talent. Fréderic Rapilly parvient avec brio à donner vie à ses personnages, leur interactivité fonctionne pleinement et on s’y attache rapidement. La fin est frustrante (dans le bons sens du terme) et appelle une suite, qui est d'ailleurs déjà disponible ("Le chant du diable").
Mais, la véritable qualité de ce roman est qu'il saura vous intéresser même si vous n'y connaissez rien en techno, même si vous ronchonnez en disant que ce n'est pas de la musique, même si vous les considérez encore simplement comme un ramassis de drogués. Alors n'hésitez pas à entrer dans la danse et à vous laisser hypnotiser par ce thriller assez particulier.
Jusqu'au bout du roman, jusqu'à la terrible révélation finale, impossible de décrocher. Et même une fois la dernière page tournée, fiévreux, la gueule de bois, le cœur battant la chamade, vous ne pourrez vous sortir de la tête les dernières notes du "Chant des Âmes" !!!

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